Dans les années 60, on disait que la France n’avait pas de pétrole mais des idées.
Et en effet, le pays a exploré différents moyens de produire de l’énergie notamment via les centrales hydrauliques ou marémotrices et le nucléaire.
Aujourd’hui, il est d’autres domaines où l’on peut – et l’on devrait – se passer du pétrole.
C’est le cas par exemple du textile.
Dans ce secteur, je ne sais pas si nous avons encore des idées – sûrement – mais en tout cas, nous avons du lin.
L’Europe assure 85% de la production mondiale de lin
Le Nord de la France, la Belgique, les Pays-Bas et l’Allemagne disposent de vastes champs de lin. Et c’est une ressource qui vaut de l’or ! (ou du pétrole !) (1)
Ces agriculteurs sont les leaders mondiaux du lin. Les Etats-Unis en produisent également dans le Dakota du Nord.
Il y a un savoir-faire et une maîtrise de la filière en Europe qui méritent à l’évidence d’être mis en avant et développés.
Et pourtant, encore aujourd’hui, les fibres synthétiques représentent plus de 75% du marché des textiles ! (2)
Et la part du synthétique (donc du pétrole), n’a fait qu’augmenter depuis les années 60 !
Il y a urgence à relancer les filières naturelles pour les tissus, les vêtements et les sacs !
Du pétrole aux fibres synthétiques et aux plastiques : quelques éléments de contexte
Le baril, standard de référence, contient 159 litres de pétrole brut.
La partie la plus lourde sert à faire du coke, un combustible industriel, de l’asphalte et du mazout. (3)
La grande majorité du baril est raffiné pour devenir du carburant : gazole, essence et kérosène ou des gaz plus ou moins légers. (3)
Et une petite partie (4 litres) sert de “bases pétrochimiques » dont on fait le plastique et les fibres synthétiques. Les deux sont très proches. (4)
Cette “petite” partie représenterait en volume 380 millions de litres de pétrole destinés à la production des plastiques et des fibres synthétiques.
Ces plastiques servent à 45% pour faire des emballages. (3)
Ils servent aussi dans le BTP, l’automobile, l’ameublement et les biens de consommation à commencer par les smartphones, les jouets, les vêtements ou les sacs de courses.
Tous ces plastiques, y compris les fibres synthétiques, polluent les villes, les rivières et les océans.
Ils tuent de nombreux animaux marins et se transforment en microplastiques lorsqu’ils se désagrègent dans la nature. Ces derniers deviennent de dangereux perturbateurs endocriniens qui menacent la santé des animaux et des humains.
Bref, ces 4 litres de votre baril de 159 litres n’ont rien d’anodin !
Quelles pistes pour sortir des plastiques et des fibres synthétiques ?
Un certain nombre de fibres végétales permettrait de sortir du pétrole et du plastique, notamment celles du chanvre et du lin.
Le chanvre pourrait être utile dans les domaines du BTP avec par exemple le béton de chanvre (6).
Il permettrait de remplacer la plupart des objets en plastique dur.
La fibre de chanvre sert aussi de plus en plus pour l’isolation. C’est le cas dans le monde automobile par exemple. Les voitures Peugeot intégreraient désormais toutes des éléments en chanvre. (6,7)
Le chanvre pourrait aussi servir dans le secteur textile (6,7) même si le lin a peut-être un peu d’avance dans ce domaine.
Et le coton me direz-vous ?
Le coton est également une fibre naturelle.
Mais elle présente trois grands inconvénients du point de vue européen :
1/ l’Europe ne produit pas ou peu de coton, il faut donc l’importer, ce qui implique une pollution supplémentaire liée au transport. Il y en a bien un peu en Grèce, en Espagne et en Bulgarie mais c’est bien insuffisant pour couvrir le marché européen. (8)
Il faudrait donc faire venir du coton d’Inde ou des Etats-Unis.
2/ Le coton demande énormément d’eau. Ainsi, même bio, le coton n’est pas tellement écologique. Par ailleurs, des vêtements en coton s’usent plus vite que ceux en lin. (9)
3/ En culture conventionnelle, le lin demande peu de pesticides et le passage au bio serait probablement plus aisé pour les agriculteurs.
C’est donc sur le lin que la France et l’Europe doivent miser, d’autant qu’il existe déjà une filière de production de qualité.
Le lin, filière d’avenir
À l’heure où l’on essaye de réconcilier problématiques écologiques, économiques et sociales, il faut s’intéresser au lin.
Sincèrement, la majorité de nos vêtements devraient être faits en lin. Et pour compléter la garde-robe on pourrait ajouter un peu de laine et de coton.
Le cuir, dont le tannage est très polluant, devrait être ultra-minoritaire et les fibres synthétiques devraient disparaître.
Le lin est 100% renouvelable. Il stocke le carbone. Il est produit en Europe sans OGM ni défoliant. (9,10,11)
C’est par ailleurs une plante qui ne consomme pas plus d’eau que ce que lui donne le ciel sous lequel elle se trouve cultivée.
Le liniculteur passe le relai au teilleur
L’agriculteur qui cultive la plante s’appelle le liniculteur. Il livre le lin par balles au teilleur.
Ce dernier sépare les graines des pailles. C’est une opération mécanique qui s’appelle le teillage. Elle est aujourd’hui faite par des machines.
Dans un deuxième temps, le teilleur sépare les fibres de la paille et les fibres entre elles.
Il obtient des fibres longues appelées filasses ou courtes ou étoupes.
Les filasses doivent ensuite passer par l’étape du peignage puis de la filature avant de devenir un textile.
C’est un procédé technique qui repose sur un savoir-faire précis.
Et en France, toutes ces étapes sont parfaitement maîtrisées !
Voilà des emplois locaux pour aujourd’hui et pour demain !
En revanche, une partie de la transformation se ferait aussi en Chine.(12) C’est là que devraient intervenir les responsables politiques afin de garantir l’existence d’une filière 100% locale. (12)
Enfin, avec le lin on ne fait pas que des textiles : il existe de nombreux sous-produits.
Un hectare de lin permettrait de produire :
- 6,4 tonnes de paille brute ;
- 1300 kg de fibres longues qui serviront à faire des vêtements, des draps, des dessus de lit, des rideaux, etc.
- 650 kg de fibres courtes appelées étoupes ;
- 3200 kg d’anas ou brisures de paille
- 640 kg de graines;
- 320 kg de paillettes.
Les sous-produits du lin
Les graines d’abord peuvent être consommées directement par les consommateurs.
Elles sont riches en acides gras oméga 3 et oméga 6 et constituent un excellent aliment santé ! (13)
Elles peuvent aussi être données aux poules pour produire des œufs riches en oméga 3.
Avec ces graines, on fait également de l’huile :
- alimentaire : c’est un excellent complément pour vos assaisonnements (14) ;
- industrielle : elle sert notamment aux peintures. (15)
Enfin, les graines peuvent être données aux poules pour produire des œufs riches en oméga 3.
Tous les déchets de paille (anas, paillettes, etc.) servent à faire des tissus plus épais qui permettent de faire des tissus muraux ou des sacs de postes entre autres choses.
Du lin en hiver
Vous voudrez peut-être m’ôter mon enthousiasme pour le lin vestimentaire en me disant que c’est un tissus d’été.
Et vous avez raison, du moins en partie.
Le lin est une matière naturelle thermorégulatrice.
Cela la rend très agréable l’été parce qu’elle permet de survivre dans un climat chaud, voire tropical sans étouffer.
Mais elle permet aussi lorsqu’il le faut de conserver la chaleur.
Il existe donc des robes, des chemises et des pulls en lin pour l’hiver ! (16)
Des “sacs totes” en lin ?
Et voici ma dernière trouvaille concernant le lin.
Depuis quelques années on parle beaucoup des sacs totes. L’expression vient de “tote bag” en anglais.
Le verbe “To tote” en anglais veut dire trimbaler. Ce sont des sacs avec deux grandes anses que l’on peut tenir à la main ou à l’épaule.
Ils sont souvent en coton.
Mais ils feraient bien mieux d’être en lin !
Voilà une solution utile et durable pour remplacer les sacs plastiques, dont j’espère que d’ici 5 ans plus personne ne parlera…
Est-ce possible ?
Solidairement,
Julien
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rédactrice d’une revue consacrée au monde végétal et préparant un numéro spécial « fleur bleue » j’aimerais pouvoir utiliser votre texte en l’adaptant légèrement à nos contraintes éditoriales. Acceptez-vous de prendre contact avec moi ?
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Merci pour cet article éclairant : vivement que l’on sorte du pétrole à toutes les sauces, qui nous empoisonne et empoisonne la nature. L’idée de produire et transformer le lin localement est en effet une super idée ! A quand une vraie transition verte ???