66 000 tonnes de lithium seraient enfouies sous les dunes de Tréguennec, une commune du Finistère sud. (1,2)
C’est un village de 300 habitants du pays Bigouden que l’on appelait avant Cap Caval. (3)
Tréguennec est dans la baie d’Audierne au sud de la mer d’Iroise au large de la Bretagne.
C’est une zone protégée, classée Natura 2000. (4)
Ces sites sont des lieux de préservation de la biodiversité européenne. L’UE en recense 27522, ce qui représente 18% de son territoire. La France en compte 1766. (5)
Le pays de Bigouden est une terre sauvage, battue par les vents aux écosystèmes fragiles.
C’est une zone humide où digues et polders ont été construits au fil du temps. La flore y est spécifique et très belle et il existe un risque d’érosion.
Les amoureux de la nature sont donc remontés contre l’idée d’exploiter du lithium à Tréguennec et Stéphane Morel, le maire de la commune, également.
Le Conseil régional a, du reste, fait de la zone un parc régional en 2021. (6)
La crise de l’énergie liée à la guerre en Ukraine peut-elle changer la donne ?
Lithium : 4 grands sites d’extraction possibles en France
C’est en 2018 que le gouvernement d’Emmanuel Macron s’est intéressé au lithium de Bretagne.
En effet, cette année là le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) a publié un rapport précisant qu’il existe quatre grands sites en France disposant d’un potentiel important en lithium (7) :
- Beauvoir (Allier) : 320000 tonnes (Le site devrait être actif d’ici quelques années)
- Tréguennec (Finistère) : 66000 tonnes
- Montebras (Creuse) : 30000 tonnes
- Richemont (Haute Vienne) : 20000 tonnes
La France, avec des réserves potentielles estimées à plus de 400 000 tonnes pourrait avoir plusieurs dizaines de milliers de tonnes à exploiter réellement.
Cela pourrait donner une production annuelle de plusieurs milliers de tonnes.
Cela permettrait de couvrir une partie de la demande nationale et européenne mais ce ne serait pas suffisant.
Car à ce jour, la production mondiale serait d’environ 475 000 tonnes tandis que la demande en Europe pourrait atteindre les 500 000 tonnes en 2030. (8)
Le Chili, dispose d’immense réserves de lithium
En Argentine, il y aurait près de 2 millions de tonnes de réserves de lithium prouvées et en Australie ce serait 4,7 millions de tonnes et au Chili 9 millions de tonnes ! (9,10)
La Bolivie, le Canada et la Chine sont également riches en lithium.
Toutefois, l’Europe n’est pas totalement dépourvue. Le Portugal, l’Allemagne et la République Tchèque en disposent aussi.
Côté production, c’est l’Australie qui est en tête avec 42000 tonnes par an, suivie du Chili, (18000), de la Chine (7500) de l’Argentine (6400) et du Portugal (1200). (11)
Le Portugal est le premier pays producteur de l’UE.
Le pays Bigouden : une terre d’innovation ?
Tréguennec serait donc le deuxième site le plus important de lithium en France.
Est-ce raisonnable dans un contexte de transition énergétique de se passer d’une telle ressource ?
Le lithium sert à fabriquer des batteries lithium-ion utiles notamment pour les voitures électriques et les téléphones.
Aujourd’hui, c’est un métal qui est importé de très loin : d’Amérique Latine ou d’Australie, ce qui a un coût environnemental important.
Par ailleurs, le site se situe sur la carrière de Prat-ar-C’hastel où l’on faisait du gravier à partir de gallet. Le vieux concasseur qui date de la moitié du XXe siècle est du reste toujours là.
Le lithium serait à 100 mètres en dessous de ce site. (6,14)
Le pays Bigouden n’a du reste pas toujours été une zone sauvage et reculée.
Au moyen-âge et sous l’ancien régime on y trouvait des chantiers navals, des moulins, de la pisciculture et des marais salants. (12)
La région était aussi connue pour ses textiles. On y cultivait le lin et le chanvre, on travaillait ces matériaux et on utilisait des plantes tinctoriales comme le pastel et la garance. Au 19e siècle, c’est l’industrie de la sardine qui s’est imposée.
Trois conditions pour que ce type de projets puissent se faire
Le pays Bigouden a longtemps été une terre dynamique et innovante. Pourquoi serait-ce différent aujourd’hui ?
Une activité minière maîtrisée pourrait y voir le jour.
Toutefois, restons prudents. Je ne connais évidemment pas suffisamment bien le terrain pour donner un avis tranché sur le projet de Tréguennec.
Il me semble toutefois que trois conditions sont nécessaires pour pouvoir l’envisager :
1/ L’assentiment de la population locale
Il faut nécessairement des référendums sur le projet, à la fois du village et du département, avant que ne soit creusée une mine.
L’exploration elle-même doit être validée a minima par les élus.
2/ La construction d’une filière française, voire européenne, implantée en France
Si la France se lance dans l’aventure du lithium et que la Bretagne participe à cette aventure, il faut que toute la filière soit présente sur le territoire national.
Certes le lithium en lui-même a vu sa valeur multipliée par quatre en quelques années.
Mais, il faut également prévoir la fabrication des batteries et des voitures électriques pour que ces investissements soient rentables et durables.
Plus le nombre d’acteurs concernés sera grand, plus les recettes liées au lithium seront partagées et mieux le projet sera accepté.
3/ Il faut un projet de réhabilitation du site après l’exploitation.
Si une mine est construite, même si elle est de taille réduite, elle créera de la pollution.
Le projet n’est acceptable que si les coûts liés à la réhabilitation sont pris en compte.
Par ailleurs, mettre en place une filière complémentaire de recyclage du lithium est sans doute une bonne idée !
Un choix de civilisation
Les élus de Tréguennec se sont battus pour l’ensauvagement de leur région.
L’un d’entre eux explique qu’aujourd’hui seul 1% du territoire national est réservé aux espaces sauvages.
Il estime qu’il est urgent de sauvegarder ces espaces minoritaires.
Son argument est valable.
Tout dépend, en fin de compte, de ce que l’on veut pour demain pour nos enfants et plus globalement pour la planète….
Une solution venue d’Alsace
Le rapport du BRGM évoque le lithium présent dans les granites.
Mais il existe d’autres solutions pour produire du lithium.
Il serait par exemple possible d’en extraire des saumures géothermales situées entre 1000 et 4000 mètres de profondeur.
Or il existe dans les Vosges des aquifères profonds qui contiendraient jusqu’à 1 million de tonnes de lithium. (16)
Cette réserve importante permettrait la production de 15000 tonnes de lithium par an. (16)
Ce projet changerait l’avenir énergétique de la France. Mais là aussi il faut que les habitants soient d’accord.
Et autre détail choc : il faut surveiller l’incidence d’une telle exploitation sur le risque sismique…
Rien n’est blanc ou noir en matière d’énergie, sauf le lithium ou le pétrole évidemment…
Solidairement,
Julien
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A choisir entre tel portable , voiture électrique et les nuisances de batteries je choisis plutôt la défense du patrimoine aquafère !
Simplement vous remercier ; article prospectif plein d’intelligence car il ne trace pas de route, mais pose des questions pour en tracer …
Un grand NON au pillage , au massacre de la nature , pour récupérer du lithium , pour la fabrication des batteries des voitures électriques , qui ne sont pas du tout l’avenir , surtout pas les hybrides rechargeables ;
On démarre en électrique , 50, 60 80 Km et après on passe sur le moteur thermique , pour les longues distances et on emmène : les batteries , le moteur électrique , le moteur thermique , soit prés de 2 tonnes et une consommation entre 6 et 7,5 litres de carburant au 100 Km….sans compter après le recyclage d’une telle bagnole Archie polluante en fin de cycle !
il y a quelques années; le seuil de nitrates par litre était de 0,25 pour que l’eau soit considérée potable, les taux de nitrate à cause des pollutions diverses des nappes phréatiques ont augmenté
au lieu de considérer et prendre des mesures pour maintenir le taux de 0,25, il a été plus facile de passer le seuil de nitrate à 0,50
on appelle ça la politique de l’autruche
Avant les batteries au lithium et les téléphones portable , on vivait quand même, et probablement avec une meilleure qualité de vie
cette course acharnée vers les énergies, minerais et autres composants des nouvelles technologies sera notre perte
les bonnes questions ou la bonne question , ne serait ce pas avons nous vraiment besoin de tout ça pour vivre, à un moment il faudrait savoir dire stop , si notre vie proche et future est menacée
aujourd’hui le lithium, le pétrole, le gaz, et ce sera toujours plus, c’est une course sans fin, jusqu’à ce qu’on ait coupé la branche sur laquelle nous étions, et malheureusement on y va
à chacun de savoir quelle vie il veut pour lui et ses enfants
Non, non aux mines de lithium…
Non à Rio Tinto en Serbie…
L’Allemagne regorge de lithium mais ils ont mis en place un moratorium d’exploitation tant ils ne trouverons pas une technologie moins polluante… Car, aujourd’hui, ça n’existe pas…
encore un coin de nature que l’on va détruire ,ça ne s’arrêtera jamais ?On prend des champs pour faire des autos routes,construire des lotissements,des zones industrielles,on bétonne pour mettre des éoliennes soit disant pour une énergie verte?…Arrêtons de détruire la nature respectons la!
Lithium en France. Merci Julien pour ces informations.
Il faut en effet réfléchir à un tel projet et tous ses enjeux. Je ne suis pas pour « abîmer » des terres sauvages et sauvegardées mais…
nous avons besoin de lithium et bien assumons ce choix et produisons-le « localement » en veillant bien sûr aux impacts divers et en choisissant les lieux les plus propices, n’allons pas polluer d’autres pays alors que nous pouvons le produire.
Ou alors, il faut cesser de l’utiliser…
Isabelle
Les véhicules électriques, c’est bien pour le.climat, mais le recyclage des batteries c’est un désastre pour l’environnement. Moi je pense qu’on pourrait mettre le paquet sur la filière hydrogène, qui ne consomme que de l’eau et de électricité elle-même produite par l’hydrogène. Arrêtons de penser à court terme, la technologie est déjà développée, alors il faut foncer.j
très intéressant, très documenté et avec des propositions. Merci
Bonjour , je ne sais s’il faut extraire en France , sauf si nos besoins réels sont sérieusement évalués ré-évalués? non pour répondre aux besoins des marchés mais pour les humains ..
ce qui entraine , pour ce sujet précis , l’accord des populations pour des installations minières comme vous le précisez. Je crois utile d’ajouter qu’un avis sur un tel sujet technique ne peut être donné sans une sérieuse information préalable à une consultation populaire – peut être un genre de commission citoyenne enrichie d’une formation/information contradictoire sur les conséquences par des experts sur le sujet ?
Je suis écoeurée par cette volonté de toujours exploiter davantage les ressources.
Pourquoi avons nous besoin de lithium? ( et autres métaux rares) pour les batteries de téléphone, de voiture et de vélos AE… ces outils sont- ils indispensables? non.
Le confort doit il toujours passer avant la préservation de la planète? pas d’accord.
Et qu’on ne fasse pas croire que les voitures ou vélos électriques sont écologiques, c’est faux! ce qu’on veut nous faire croire c’est que la technologie apportera des solution à la crise climatique, alors que la meilleure solution c’est la sobriété. Quand je vois tous ces jeunes sur des vélos électriques, alors qu’ils sont capable de pédaler, ça m’exaspère!
Je n’ai pas de voiture, j’ai un vélo ordinaire et pas de smart phone, et je ne m’en porte pas plus mal!
Il faut opter pour la décroissance – ce n’est pas un gros mot…
C’est-à-dire ici, concernant le lithium, arrêter de se servir de téléphones mobiles et de voitures et vélos électriques…
Et en admettant que ces extractions ne concernent pas la France elles détériorent à jamais d’autres contrées, ailleurs, loin d’ici…
Protection de la planète avant tout.
La soit disante évolution est un leurre .
dommage que ce soit sur un beau site, mais il faudrait que l’on soit plus indépendant dans nos ressources
Merci de nous apporter tous les éléments qui permettent de réfléchir…c est rare !je vais prendre un peu de temps pour cela car les enjeux en valent la peine !
merci pour cet article qui est mesuré et qui avoue que nous sommes loin de disposer des informations clés nécessaires pour avoir un avis tranché
Laissons le lithium là où il est. La voiture électrique par ses batteries désireuses de métaux rares et la destruction des sites est une catastrophe. Je ne comprends pas sueurs écologistes défendent un tel projet. La voiture électrique nous emmène vers une nouvelle catastrophe écologique.
Dans je dis NON ne creusons pas ici ou ailleurs.
Rien de m’étonne de ce gouvernement ! Au large d’Oléron zone Natura 2000 le projet d’un champ d’éoliennes tient à cœur du « Président » qui a assuré qu’il se fera, malheureusement il vient d’être réélu ! Zone de pêche des bateaux de la Cotinière dont le port vient d’être réaménagé pour 60 M€ on appréhende l’avenir.
Je pense que l’implantation au large du Touquet aurait été plus judicieuse !
Merci d’attirer notre attention et de donner des informations precieuses.
S’il est temps interpellons les candidats aux législatives
C’est surprenant de voir cet article démontrer l’intérêt économique à produire du lithum en Bretagne sans parler des besoins énormes nécessaires en eau et de la pollution des nappes phréatiques qui remettent en cause le bilan écologique des voitures électriques.